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Artiste

Alice Suret-Canale

1 exposition

Alice Suret-Canale vit et travaille à Angers depuis 2022. Elle obtient un master en arts plastiques, arts et technologies de l’image à l’Université Paris 8 en 2012, puis un doctorat en esthétique, sciences et technologies des arts au sein de la même université en 2018. Elle est membre du collectif Blast depuis 2023.

« Dans la phénoménologie1 de Maurice Merleau-Ponty, le corps n’est pas séparé de l’âme. C’est par lui que le sujet perçoit le monde, formant une « insertion réciproque », « entrelacs de l’un dans l’autre2 ». Ce que le philosophe nomme « chair » ou « chair du monde » ne renvoie donc pas à une substance délimitée et close sur elle-même mais au corps « pris dans le tissu du monde3 ». Les corps peints par Alice Suret-Canale sont de cette « chair », qui s’amasse tout en se déployant : de nature humaine ou végétale, les organismes s’insèrent dans le milieu autant que le milieu se glisse en eux, affichant une continuité des formes qui met à mal toute hiérarchie des motifs, des genres ou des couleurs. Évacués le premier ou le second plan : toute ligne de construction indiquant un sens de lecture, tout élément diégétique articulant une chronologie est remplacé par un vertige généralisé, contenu dans un cadrage serré. La déformation des corps, la multiplication des points de vue, l’utilisation des couleurs primaires, l’absence de perspective et la toile apparente constituent en cela des réminiscences de l’art moderne. Au cœur de cette recherche picturale : la figure. Non pas celle que la pensée commune opposerait à l’abstraction. Il s’agit plutôt de la figure au sens d’une réalité non-illusionniste, fantasmagorique et personnelle. La « figure » désigne également, en histoire de l’art, un personnage représenté de la tête aux pieds : ici, il doit rentrer dans une fenêtre trop exiguë pour sa taille. Limitées dans l’espace, les formes se phagocytent, s’entrecroisent et tournoient jusqu’au bord de la toile libre, comme un poisson dans son bocal. Pour circuler, l’énergie se nourrit de courbes, de torsions, de sinusoïdes et de nœuds. Le modèle est celui du mollusque : les organes ne sont pas là où ils devraient être car la seule logique qui régit les rapports de ces corps à ce qui les entoure est celle du sensible. Tout est rond, ventre, sein et oeil. Dans le même temps, les têtes en pointe d’épingle ont les paupières closes, comme pour mieux ouvrir l’œil physique partout ailleurs : le corps panoptique voit par ses extrémités. »

  1. Philosophie qui écarte toute interprétation abstraite pour se limiter à la description et à l’analyse des seuls phénomènes perçus (Dictionnaire Le Robert)
  2. Maurice Merleau-Ponty, Le visible et l’invisible, 1964, p.180.
  3. Idem, p.19.

Texte d’Elora Weill-Engerer